Focus sur un point de droit ou sur un sujet particulier



Les cas de rupture d’un contrat à durée indéterminée sont d’ordre public

L’article L 1243-1 du code du travail et sauf accord des parties, prévoit que le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l'échéance du terme que dans des cas limitativement prévus, c’est-à-dire en cas de faute grave,  de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.

Un joueur de basket est engagé par un club en contrat à durée déterminée le 26 juin 2009 puis un nouveau contrat est signé le 1er septembre 2010 avec un avenant du même jour qui prévoit qu'« en cas d'absences répétées et injustifiées du joueur lors d'entraînement, réunions, opérations de relations publiques, voire matchs (plus de trois absences injustifiées) les deux parties s'accordent sur une possibilité d'annulation de la deuxième saison au contrat, par envoi d'un courrier simple, avant le 30 avril 2011. De même, le joueur a la faculté de choisir d'interrompre le contrat à la fin de la première saison, par l'envoi d'un courrier simple avant le 30 avril 2011 »

Le 28 avril 2011 le club fait usage de cet avenant en indiquant par courrier simple au salarié qu’elle met  fin à la relation contractuelle. Ce dernier saisit alors la juridiction prud’homale.

Dans un premier temps la rupture du contrat de travail est validée par la Cour d’appel qui considère que l’avenant au contrat est un accord amiable tel que prévu à l’article L 1243-1 du code du travail dès lors qu’il offre aux deux parties la possibilité de mettre fin à la relation contractuelle avant son terme.

Cependant la Cour de cassation ne suit pas le raisonnement de la Cour d’appel et décide la nullité de la clause résolutoire stipulée à l'avenant qui permettait à l'employeur de rompre le contrat pour d'autres causes que celles limitativement prévues par l'article L. 1243-1 du code du travail. La cour de cassation refuse également de prendre en compte pour valider cette clause le fait que le salarié disposait également d'une faculté de rupture plus large.

Cass soc 4 février 2015, 13-26.172


La Cour de cassation définit « l’accord interprétatif »

Selon la Cour suprême un accord ne peut être considéré comme interprétatif « qu'autant qu'il se borne à reconnaître, sans rien innover, un état de droit préexistant qu'une définition imparfaite a rendu susceptible de controverse ».  Ainsi, dès lors qu’un avenant à un accord a ajouté au droit préexistant, il  est dépourvu du caractère interprétatif.

Tel est le cas d’un avenant du 1er mars 2012 qui a ajouté au droit préexistant résultant de l'accord du 18 juin 2002 en prévoyant que l'indemnité bonifiée de fin de carrière avait pour objet d'indemniser les salariés pour l'ensemble des préjudices de toute nature éventuellement subis du fait d'une exposition potentielle à l'amiante et de réparer forfaitairement "ce préjudice". 

Cass Soc, 4 février 2015, n° 14-13.646, FSPB


Réforme du droit des contrats : lancement de la consultation et projet d’ordonnance en ligne

Le ministère de la Justice lance une consultation publique sur un avant-projet d'ordonnance portant réforme du droit des contrats, du régime et de la preuve des obligations. Ce texte est  identique dans les  grandes lignes au projet qui avait été présenté en octobre 2013.

La consultation est ouverte jusqu'au 30 avril 2015 et les contributions doivent être adressées à l'adresse suivante : contrats2015.dacs@justice.gouv.fr">contrats2015.dacs@justice.gouv.fr


Les contours du futur projet de loi sur la réforme du dialogue social dévoilés par le gouvernement

Suite à l’échec des négociations sur le dialogue social entre le patronat et les syndicats, le premier ministre a présenté le 25 février dernier les futures grandes lignes du projet de loi qui sera présenté en Conseil des ministres fin mars début avril pour une adoption par le Parlement d’ici cet été.

Une première mesure consiste à élargir aux entreprises comptant jusqu’à 300 salariés la "délégation unique du personnel" (DUP) qui existe déjà dans les entreprises de  50 à 200 salariés, en en y incluant en outre le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Ainsi seraient fusionnés les délégués du personnel, le comité d’entreprise et le CHSCT. Dans les entreprises de plus de 300 salariés, cette possibilité serait ouverte par accord d'entreprise.

Par ailleurs, pour permettre aux salariés des très petites entreprises (TPE) de bénéficier d’une représentation salariale, une commission régionale interprofessionnelle composée de 10 salariés et de 10 employeurs de TPE serait instaurée dans chacune des 13 futures grandes régions et  en Outre-Mer.

Des modifications seraient également apportées aux obligations d’information et de consultation des représentants du personnel qui passeraient de 17 à 3 obligatoires par an. Elles seraient consacrées à la  situation économique, à la situation sociale et aux orientations stratégiques de l’entreprise.

Les obligations de négociations seraient également regroupées avec la possibilité de fixer par accord d’entreprise leur périodicité.

Pour les entreprises comportant des établissements, la loi précisera dans quels cas la double consultation d’une instance représentative locale et nationale sera nécessaire.

Enfin, le gouvernement souhaite inscrire dans la loi la parité hommes femmes parmi les représentants de salariés. 

Présentation par le premier ministre lors de la conférence de presse du 25 février 2015


L’employeur a le droit de consulter les SMS non personnels d’un téléphone professionnel

Dans une affaire de débauchage entre deux entreprises, celle qui avait vu partir un grand nombre de ses salariés demande en référé la possibilité de faire procéder à un constat sur les outils de communication mis à la disposition de ses anciens salariés dont des téléphones.
 
La partie adverse demande ensuite la rétraction de cette autorisation arguant que l'employeur ne peut  prendre connaissance, à l’insu de ses salariés, des messages écrits émis ou reçus par eux grâce à un téléphone mobile mis à leur disposition pour leur travail et  que de plus, il était impossible d'identifier comme « personnel » un SMS envoyé par un téléphone mobile, de tels messages ne comportant pas de champ « objet ».
 
La cour de cassation écarte ces arguments et décide que les SMS envoyés ou reçus par le salarié au moyen du téléphone mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel, en sorte que l'employeur est en droit de les consulter en dehors de la présence de l'intéressé, sauf s'ils sont identifiés comme étant personnels.
 
Dès lors, des SMS reçus ou envoyés à partir d’un téléphone mis à la disposition d’un salarié par son employeur et qui n’auront pas été identifiés comme « personnels » pourront être produits en justice. La Cour de cassation s’aligne sur la jurisprudence relative aux courriers électroniques envoyés et reçus sur une messagerie professionnelle et non identifiés comme personnels (Cour de cassation du 16 mai 2013 (Cass. soc. 16 mai 2013 n° 12-11.866) 
Il est à noter que cette décision a été rendue par la chambre commerciale après avis de la chambre sociale.
 
Cass Com, 10 février 2015, n° 13-14.779, FPPB

La réforme du droit des obligations aura bien lieu par voie d’ordonnance

La loi 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures prévoit en son article 8  que le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d'ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi aux fins de modifier la structure et le contenu des dispositions du livre III du code civil relatives au droit des contrats, au régime général des obligations et au régime de la preuve des obligations. La responsabilité civile, délictuelle comme contractuelle est exclue du champ de l’habilitation.

Le gouvernement devrait  lancer prochainement une consultation sur cette réforme avant que le texte du projet d’ordonnance définitif ne soit soumis au Conseil d’Etat. Un avant-projet est disponible en ligne et nous en détaillons les mesures principales tout en précisant que certaines pourraient être modifiées dans le texte définitif.

Certains articles de l’avant-projet d’ordonnance sont des reprises très proches des dispositions actuelles du code civil. Ce sera par exemple le cas pour la définition de certaines catégories de contrats (synallagmatique ou unilatéral, à titre onéreux ou gratuit, commutatif ou aléatoire) ou encore la force obligatoire des contrats. Par ailleurs certaines expressions juridiques seraient modifiées telles que le remplacement de « bon père de famille » par « personne raisonnable »  ou de « convention » par « contrat ».

D’autres dispositions constitueront une clarification du droit écrit par la codification de la  jurisprudence. Seront concernées les définitions des contrats de gré à gré et d’adhésion  ainsi que du contrat-cadre comportant la possibilité de renvoyer la détermination du prix à des tarifs fixés ultérieurement ou encore de l’enrichissement sans cause (dit désormais « injustifié »). Il en sera de même pour  les règles relatives aux négociations précontractuelles (offre, acceptation, date et lieu de formation du contrat, etc.) ainsi qu’à la promesse unilatérale et au pacte de préférence.

D’autres dispositions seront plus innovatrices telles que la suppression de la notion de cause ou l’ajout de l’abus de faiblesse aux vices du consentement

Par ailleurs sera consacrée la règle jurisprudentielle selon laquelle le prix peut être fixé unilatéralement par l’une des parties. Cependant son application sera limitée aux contrats-cadre et aux contrats à exécution successive et imposera  en outre à la partie qui fixe le prix d’en justifier le montant en cas de contestation. En  cas d’abus dans la fixation du prix, le juge pourra réviser le prix, en considération notamment des usages, des prix du marché ou des attentes légitimes des parties.

D’autre part sera transposée dans le code civil la notion de clause abusive bien connue en droit de la consommation mais absente du droit commun des contrats.

Enfin, sera également abordée la théorie jurisprudentielle dite de l’imprévision connue en droit administratif mais non prévue par le code civil et non admise par la jurisprudence. L’avant-projet d’ordonnance prévoit la possibilité pour une partie de demander la renégociation du contrat « si un changement de circonstances imprévisible lors de [s]a conclusion rend [s]on exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque ». En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties, d’un commun accord, pourront demander au juge de procéder à l’adaptation du contrat. À défaut, une partie pourra demander au juge d’y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixera. Seule la résiliation judiciaire du contrat, et non sa révision (puisqu’il faut l’accord des parties pour permettre au juge d’adapter le contrat) reste donc admise.

Il convient de noter que la loi du 16 février 2015 aborde d'autres dispositions dans les domaines du droit de la famille (tutelles, successions, divorce), la procédure civile (voies d'exécution et réforme du Tribunal des conflits) ou encore la procédure pénale. 

La loi 2015-177 du 16 février 2015


L’employeur ne peut pas remplacer un avantage conventionnel par des avantages différents

Une société de transport a remplacé le versement d’une indemnité conventionnelle de repas pour ses chauffeurs par l’octroi de tickets restaurants (dont bénéficiaient les autres salariés) et une prime de panier. Selon l’employeur, cette modification était légale puisqu’en cas de conflit de normes, c'est la plus favorable aux salariés qui doit s’appliquer.

Mais la Cour de cassation à la suite de la Cour d’appel refuse cette interprétation et considère que si l'employeur peut, par un engagement unilatéral, accorder des avantages supplémentaires à ceux résultant d'une convention ou d'un accord collectif de travail, il ne peut substituer à ces avantages conventionnels des avantages différents.

En l’espèce, les titres-restaurants, qui permettent à un salarié d'acquitter en tout ou partie le prix d'un repas consommé ou acheté ne peuvent être assimilés à l'indemnité de repas prévue par l'article 3 du protocole du 30 avril 1974 relatif aux frais de déplacement des ouvriers annexé à la convention collective nationale des transports routiers et des activités auxiliaires de transport du 21 décembre 1950, laquelle a pour objet de compenser le surcoût du repas consécutif à un déplacement.

Dès lors, l’employeur ne pouvait pas substituer au versement de l'indemnité conventionnelle de repas   l'octroi de titres-restaurants et une prime de panier.

Cass soc, n° 13-28.034, FSPB


Les dispositions sociales du projet de loi Macron adoptées

Le texte vient d’être adopté en première lecture par l’Assemblée Nationale et sera examiné par le Sénat  du 07 au 17 avril 2015. Les articles du titre III du projet de loi reforment certains pans du droit du travail  et en particulier le travail dominical et la justice prud’homale.

Concernant le travail dominical, les zones touristiques internationales ou de forte affluence, les gares dont la fréquentation est importante et certaines zones commerciales seront autorisées à ouvrir tous les dimanches. Dans l’ensemble de ces zones, les compensations dues aux salariés qui travailleront le dimanche devront être définies par des accords entre partenaires sociaux, au niveau de la branche, de l’entreprise, ou du territoire. A défaut daccord, les commerces ne seront pas autorisés à ouvrir. Pour les zones touristiques internationales, louverture des commerces en soie, jusqu’à minuit, sera également autorisée. Par ailleurs, et concernant les « dimanches du maire », ces derniers passeront de 5 à 12 par an.

Le volontariat et la possibilité de changer d’avis pour le salarié seront la règle pour toutes ces dérogations.

Dans les commerces alimentaires de plus de 400 m², c’est-à-dire dans les supermarchés et  hyper-marchés, la compensation salariale minimale dont bénéficient les salariés a été portée à au moins 30%. Ces commerces peuvent actuellement ouvrir le dimanche matin, sans compensation minimale.

Concernant la réforme de la justice prud’homale,  le bureau de conciliation devient le bureau de conciliation et dorientation (BCO) et son rôle est plus important.

En cas d’échec de la conciliation et lorsque le litige portera sur  un licenciement  ou  une demande de résiliation judiciaire, le BCO aura la charge dorienter les parties soit devant le bureau de jugement tel qu’il est aujourd’hui, soit devant  un nouveau bureau de jugement en formation restreinte à deux conseillers, un employeur, un salarié. Cette dernière possibilité ne sera ouverte que si les deux parties ainsi que le BCO sont d’accord. Dans ce cas, la décision devra être rendue dans les trois mois. Si le bureau de jugement en composition restreinte estime que le dossier ne relève pas de sa compétence, ou en cas de partage des voix, l’affaire sera renvoyée devant la formation de jugement, c’est-à-dire devant la formation de jugement présidée par le juge départiteur.

De même, toujours en cas d’échec de la conciliation, le BCO pourra renvoyer certaines affaires directement devant la formation présidée par le juge professionnel, c’est-à-dire sans passer au préalable devant le bureau de jugement.

D’autre part, les juges pourront saider dun référentiel indicatif pour la fixation des dommages et intérêts en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ce référentiel sera établi principalement à partir de l’analyse de la jurisprudence, de l’analyse des procès-verbaux de conciliation et des transactions dont l’homologation est sollicitée. Il sera indicatif. Lorsque les deux parties en demanderont l’application exclusive, le juge sera tenu d’appliquer ce référentiel.

Par ailleurs, les obligations déontologiques et le cadre disciplinaire des juges prud’homaux seront renforcées et une formation initiale sera obligatoire.

Enfin, le texte prévoit la création d’un statut pour les défenseurs syndicaux. Actuellement, il n’existe aucun statut relatif aux conditions de recrutement, de formation ou de travail des défenseurs syndicaux. Seules des autorisations d’absences, non rémunérées, à hauteur de dix heures par mois sont actuellement prévues. Dans le nouveau texte, le  défenseur syndical exercera « des fonctions d’assistance ou de représentation devant les conseils de prud’hommes et les cours d’appel en matière prud’homale » et sera inscrit sur une liste. Par ailleurs, le temps passé par le défenseur syndical pour accomplir sa mission sera assimilé à une durée de travail effectif et sera rémunéré par l’employeur qui sera remboursé par l’Etat. Enfin, le défenseur syndical est protégé puisque le nouveau texte dispose que l’exercice de la mission de défenseur syndical ne peut en aucun cas être une cause de rupture du contrat de travail.

Le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques  tel qu’adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.


Le règlement intérieur d’un comité d’entreprises ne peut pas créer de nouvelles charges pour l’employeur

Aux termes de l’article L 2325-2 du code du travail, le comité d'entreprise détermine dans un règlement intérieur les modalités de son fonctionnement et celles de ses rapports avec les salariés de l'entreprise  pour l'exercice de ses missions.

En l’espèce, un comité d'établissement régional de cheminots souhaitait le vote d’un article du règlement intérieur prévoyant que les convocations contenant l'ordre du jour ainsi que les documents s'y rapportant devaient être envoyés à tous les membres du comité huit jours ouvrés avant la séance.

L’employeur refuse ces dispositions et le comité d’établissement saisit le tribunal de grande instance d'une demande d'annulation du règlement intérieur tel qu’adopté le 28 août 2009.

La Cour d’appel fait droit à sa demande, considérant que certes l'article L. 2325-16 du code du travail fixe un délai minimal de trois jours pour la communication de l'ordre du jour mais que cette nouvelle disposition permettrait au comité d'établissement de disposer d'un délai suffisant pour examiner les sujets et par là-même de remplir à bien sa mission de consultation et qu'enfin le coût pour l'employeur est identique que le délai soit de trois jours ou de huit jours.

La Cour de cassation ne suit pas cependant ce raisonnement et casse la décision d’appel pour violation des textes.

En effet, après avoir rappelé que l’article L 2325-16 du code du travail prévoit que l'ordre du jour des réunions du comité d'entreprise est communiqué aux membres trois jours au moins avant la séance, elle juge que le règlement intérieur ne peut pas imposer à l'employeur des contraintes ou charges non prévues par la loi.

Cass soc 8 octobre 2014, n° 13-17.133


Une clause de non concurrence peut s’appliquer à l’activité accessoire d’un concurrent

Une salariée est engagée en septembre 2003 par une société de conseil en ingénierie en qualité de directrice juridique sur la base d'un contrat de travail incluant une clause de non-concurrence. Cette dernière lui fait interdiction expresse d'intervenir directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, en qualité de salarié ou d'indépendant,  auprès de sociétés existantes ou en création susceptibles de faire concurrence à la société. Cette interdiction est toutefois limitée aux sociétés exerçant la même activité.

La salariée démissionne le 9 mars 2009. Son ancien employeur affirme alors qu'elle a violé la clause de non-concurrence, son nouvel employeur ayant une activité une société de conseil en ingénierie et se positionnant sur des marchés identiques.  

L’ex salariée soutient pour sa part que cette activité de conseil en ingénierie n’est pas l’activité principale de son nouvel employeur et qu’une clause de non concurrence étant d'interprétation stricte, elle ne peut être étendue au-delà de ses prévisions.

La cour de cassation confirme cependant la décision de la cour d’appel qui a considéré que le nouvel employeur exerçait bien une activité concurrente de celle de l’ancien employeur de la salariée et ce quand bien même son activité principale était autre.

Cass Soc 5 novembre 2014, n° 13-20.131, FD


Accident du travail : pas de réparation complémentaire pour la perte de droits à la retraite

Le régime des accidents du travail est régi par des dispositions anciennes, notamment issues de la loi du 9 avril 1898 qui prévoit une responsabilité sans faute de l’employeur et en contrepartie une indemnisation forfaitaire du salarié incluant un capital et une rente viagère au-delà de 10 % d’incapacité permanente. En cas de faute inexcusable, la victime peut bénéficier de la réparation de certains préjudices visés à l’article L 452-3 du code de sécurité sociale.

Cependant, ce système était controversé dans la mesure où l’indemnisation est partielle et forfaitaire alors que d’autres régimes de responsabilité ou indemnisation réparent intégralement les préjudices subis.

Le Conseil Constitutionnel, dans sa décision du 18 juin 2010 a alors envisagé la possibilité d’une indemnisation des préjudices qui ne sont pas déjà couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale en décidant « qu'en présence d'une faute inexcusable de l'employeur, les dispositions de ce texte (article L 452-3) ne sauraient toutefois, sans porter une atteinte disproportionnée au droit des victimes d'actes fautifs, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale ».

A la suite de cette décision, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation, au travers de plusieurs jurisprudences rendues, a notamment jugé que n’étaient pas couverts par le livre IV du code de sécurité sociale les frais d’aménagement du logement, le déficit fonctionnel temporaire et les souffrances physiques et morales non indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent et qu’ils pouvaient dès lors être indemnisés sur le fondement de l’article L. 452-3 du code de la sécurité sociale.

En l’espèce, un salarié est licencié suite à un accident de travail pour lequel la faute inexcusable de son employeur est reconnue. Il demande devant la juridiction de sécurité sociale la réparation de la perte de ses droits à la retraite de base et à la retraite complémentaire.

Mais la Cour d’appel le rejette sa demande aux motifs que ce préjudice est déjà indemnisé par application des dispositions du livre IV du code de la sécurité sociale et ne peut donc donner lieu à réparation distincte.

Le salarié saisit alors la Cour de cassation qui le déboute également et confirme la décision de la Cour d’appel en jugeant que la perte de droits à la retraite, même consécutive à un licenciement du salarié pour inaptitude, est couverte, de manière forfaitaire, par la rente majorée qui présente un caractère viager et répare notamment les pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle résultant de l’incapacité permanente partielle subsistant au jour de la consolidation.

Cass. ch. mixte, 9 janv. 2015, n° 13-12.310, P+B+R+I

Conseil constitutionnel, 18 juin 2010, QPC 2010-8


Revirement de jurisprudence de la Cour de cassation en matière de différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou accords collectifs

Par plusieurs arrêts du 27 janvier 2015, la chambre sociale de la cour de cassation, dans des arrêts  promis à une large diffusion, vient de modifier sa position en jugeant que les différences de traitement entre catégories professionnelles opérées par voie de conventions ou d’accords collectifs, négociés et signés par des organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l’habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées. Dès lors, il appartient à celui qui les conteste (salarié ou organisation syndicale) de démontrer qu’elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

La charge de la preuve est donc inversée et ce n’est donc plus à l’employeur de prouver que les avantages catégoriels issus d’un accord collectif reposent sur des raisons objectives. Ainsi selon la Cour « L’objet de la preuve est lui-aussi redéfini de façon plus synthétique et en lien avec les prérogatives dont les organisations syndicales peuvent légalement faire usage dans la négociation collective »

Par ailleurs, dans un des arrêts du 27 janvier 2015, la Cour de cassation refuse d’appliquer ce principe aux avantages catégoriels résultant d’une décision unilatérale de l’employeur maintenant ainsi sa jurisprudence du 8 juin 2011 (n° 10-14.725 et 10-11.933)

Cass soc. 27 janvier 2015 n° 13-22.179, 13-25.437 et 13-14.773 FS-PBRI


Faute inexcusable de l’employeur et rechute d’accident du travail : quelle indemnisation pour le salarié ?

Un salarié est victime le 10 juin 2004 d’un accident du travail suivi d’une rechute le 30 mars 2007. Il saisit alors la juridiction de la sécurité sociale d’une action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Un premier arrêt de la Cour d’appel de Paris du 31 octobre 2012 reconnait la faute inexcusable de l'employeur dans l’accident du 10 juin 2004 et fixe au taux maximum la majoration de la rente d'accident du travail. Elle ordonne également une expertise médicale pour statuer sur le montant des indemnités auxquelles la victime pouvait prétendre en réparation de la faute de l’employeur. Le salarié demande  également un dédommagement pour les préjudices résultants de l’aggravation de son état de santé trois ans après l’accident.

La cour d'appel, dans une décision du 14 novembre 2013 statue sur le montant des indemnités dues à la victime suite à l’expertise médicale. Elle estime que les dispositions de l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale n'ouvrent droit à une indemnisation complémentaire pour la victime ou ses ayants droit que lorsque l'accident du travail est dû à la faute inexcusable de l'employeur et qu’en l’espèce, le salarié n'est pas recevable à invoquer la faute inexcusable de l'employeur dans la rechute de l'accident du travail survenu le 10 juin 2004 et que la rechute d'un accident du travail n’est  pas de nature à faire courir un nouveau délai au profit de la victime pour agir en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.

La Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel et juge que cette dernière ayant reconnu dans un précédent arrêt la faute inexcusable de l’employeur dans l’accident du travail initial, l’indemnisation complémentaire à laquelle la victime a droit s’étend aux conséquences de la rechute de l’accident du travail initial.

Cass civile 2, n° 14-10.584, F+P+B


Le gérant non salarié titulaire d’un mandat représentatif bénéficie du statut protecteur

Une société de grande distribution regroupant 2250 magasins spécialisés dans l’alimentation générale de proximité,  sous le statut juridique d’établissements et exploités par des gérants dits « gérants non-salariés » au sein de 5 directions régionales, décide  en octobre 2004 de procéder au redécoupage géographique des directions régionales du réseau. Cette opération entraine le transfert d’une région à l’autre de certains élus au comité d’établissement, dénommés « comités de gérants » et la perte consécutive du mandat de certains délégués.

Le 09 novembre 2004, la société rompt, sans autorisation administrative, le contrat de gérance d’un de ses gérants non-salariés, par ailleurs délégué syndical d’un des établissements de la direction régionale sud-est. Suite à ces faits, l’affaire se divise en un dossier civil et un dossier pénal.

La chambre sociale de la Cour de cassation a définitivement décidé le 8 décembre 2009 la nullité de la rupture du contrat de gérance, rappelant que le salarié avait été désigné délégué syndical d’établissement en application de l’accord collectif national et que dès lors, la rupture du contrat sans autorisation préalable de l’inspecteur du travail était entachée de nullité.

Dans le dossier pénal,  le procureur de la République a fait  citer devant le tribunal correctionnel le directeur des relations sociales de la société de la société de grande distribution des chefs d'entrave à l'exercice du droit syndical et de rupture sans autorisation du contrat d'un délégué syndical.

La cour d’appel de Lyon a relaxé le prévenu des deux infractions visées au motif que les articles L. 7321-1-1 et L 7322-1 du code du travail, qui ont remplacé les articles  L 782-1 et L 782-1 anciens  ne trouve plus à s’appliquer aux gérants non-salariés de succursale mais uniquement aux gérants de succursales.

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation rejette cette interprétation de la Cour d’appel en rappelant qu’il résulte des textes susvisés du code du travail, issus d’une codification à droit constant, que les gérants non-salariés de succursales de maisons d’alimentation de détail peuvent se prévaloir de l’ensemble des dispositions légales relatives aux institutions représentatives du personnel, sous réserve des aménagements expressément prévus par les dispositions particulières les concernant.

Cass Assemblée plénière, 9 janvier 2015, n° 13-80.967, P+B+R+I


Le droit au mariage entre deux personnes de même sexe est d’ordre public

Deux personnes de même sexe, l’une française et l’autre marocaine, se marient en France.

Le code civil français (article 202-1 du code civil) permet à deux personnes de même sexe de se marier ensemble dès lors, pour au moins l’une d’entre elle, que sa loi personnelle (c'est-à-dire la loi du pays dont elle a la nationalité) ou que la loi de l’Etat sur le territoire duquel elle a son domicile, le permet.

La convention franco-marocaine du 10 aout 1981 prévoit pour sa part que pour déterminer si un mariage est autorisé, il faut se référer pour chaque époux à la loi de l’Etat dont il a la nationalité. Or Le Maroc ne reconnait pas aux couples de même sexe le droit de se marier.

Enfin, l’article 55 de la Constitution dispose que les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois.

Le procureur général, s’appuyant sur ces éléments de droit,  a formé un pourvoi en cassation considérant que le mariage célébré violait la convention franco-marocaine de 1981.

La cour de cassation rejette le pourvoi rappelant que l’article 4 de la loi franco marocaine prévoit que la loi de l’un des deux pays peut être écartée si cette dernière est  manifestement  incompatible avec l’ordre public. Or, en France, depuis la loi du 17 mai 2013, on ne peut priver une personne de la liberté fondamentale de se marier avec une personne du même sexe qu’elle.

Pour les juges, le droit au mariage de ce couple franco marocain est  donc une liberté fondamentale à laquelle une convention passée entre la France et le Maroc ne peut déroger dès lors que le futur époux étranger  a un lien de rattachement avec la France, ce qui est le cas ici du futur époux marocain qui est domicilié en France.

Cass 1ère civ, 28 janvier 2015, n° 13-50.059

L'œil sur le droit

Protection du lanceur d’alerte : nullité du licenciement

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Un salarié, directeur administratif et financier d’une association, est licencié en mars 2011 pour faute lourde après avoir dénoncé au procureur de la République les agissements d’un des membres du conseil d’administration et du président de l’association susceptibles de constituer une escroquerie ou un détournement de fonds publics.

La Cour d’appel juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs que le salarié, dont la bonne foi ne pouvait être remise en cause, n’avait commis aucune faute en révélant les faits.

La Cour de cassation rappelle tout d’abord que que le fait pour un salarié de porter à la connaissance du procureur de la République des faits concernant l’entreprise qui lui paraissent anormaux, qu’ils soient au non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute.

Mais surtout et pour la première fois décide qu’ «en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité ».

Il est à noter que la protection des lanceurs d’alertes est actuellement en discussion dans le cadre du projet de loi Sapin II

Cass Soc 30 juin 2016, n° 15-10.557, FS-PBRI

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Publication du décret relatif aux modalités de consultation des institutions représentatives du personnel (IRP)

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Ce texte, entré en vigueur depuis le 1er juillet 2016, concerne les entreprises de 50 salariés et plus.

Il précise les délais dans lesquels les différentes IRP remettent leurs avis, ainsi que les modalités de fonctionnement du CHSCT.

Il énonce également les informations que l’employeur met à la disposition du comité d'entreprise (CE) dans le cadre des trois grande consultations annuelles prévues par la loi Rebsamen du 17 août 2015 sur le dialogue social (consultations qui regroupent les 17 anciennes obligations d’information et de consultation du CE).  Ces trois rendez-vous annuels concernent les orientations stratégiques de l’entreprise, sa situation économique et financière et enfin la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.

Les informations à transmettre au comité d’entreprise diffèrent selon que l’entreprise compte plus ou moins de 300 salariés et pour chacune de ces consultations, le CE peut recourir à un expert payé en tout ou partie par l’employeur.

Décret 2016-868 – JO 30 juin 2016 

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