Focus sur un point de droit ou sur un sujet particulier



La mise en inactivité d’office d’un salarié peut être discriminatoire

Les articles L 1132-1 et L 1133-1 du code du travail permettent à un employeur de prévoir des différences de traitement entre salariés fondées sur l’âge dès lors qu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime et que les moyens de réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires.

En l’espèce, un ouvrier électricien se voit notifier sa mise en inactivité d'office le lendemain de la date anniversaire de ses 55 ans. La cour d’appel donne raison à l’employeur aux motifs que pour réaliser l'objectif de préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs occupant les fonctions physiquement les plus pénibles, le départ à la retraite anticipé du salarié était un moyen approprié et nécessaire dès lors qu'il avait été exposé pendant 23 ans à des conditions de travail pénibles caractérisées par une nuisance « bruit » de 100 % et à des astreintes.

Mais la Cour de cassation, après avoir constaté que le salarié occupait depuis cinq ans un poste administratif et que son médecin traitant l'avait déclaré en mesure de poursuivre une activité professionnelle, décide que les juges du fond auraient dû rechercher si la mise en inactivité était un moyen approprié et nécessaire.

Cass Soc 9.03.2016, n° 14-25.840, FSPB


Nouvelle directive européenne pour renforcer le droit à un procès équitable

Une nouvelle directive européenne vient d’être publiée et a pour objet de renforcer le droit à un procès équitable des personnes physiques dans le cadre des procédures pénales, en définissant des règles minimales communes à tous les Etats membres concernant certains aspects de la présomption d'innocence et le droit d'assister à son procès. Par ailleurs, elle vise à renforcer la confiance mutuelle entre les autorités judiciaires de ces mêmes Etats et à faciliter la reconnaissance mutuelle des décisions en matière pénale.

Les États membres devront ainsi veiller à ce que les suspects et les personnes poursuivies soient présumés innocents jusqu'à ce que leur culpabilité ait été légalement établie et que soient respectés leurs droits au silence et à ne pas s’incriminer soi-même. Par ailleurs, ils ne doivent pas être publiquement présentés par les autorités publiques comme étant coupables tant que  leur culpabilité n’a pas été légalement établie.

Doit également être prévu la possibilité pour les suspects et personnes poursuivies d’assister à leur procès et de disposer de voies de recours effectives en cas de violation de leurs droits.

Les Etats membres disposent de 2 ans à compter de la publication de la directive pour la transposer.

Directive UE 2016/43 du 9 mars 2016, JOUE L 65 


Pause et temps de travail

Un employeur, désireux de prendre en considération les conditions particulières de travail d’une catégorie de son personnel, lui accorde une pause rémunérée de 10 minutes au cours d'un cycle de 3 heures de travail effectif.  

Selon  la société, dès lors que la pause rémunérée est effectivement prise, elle doit être intégrée au sein de chaque cycle de travail, le temps de présence dans l'entreprise restant inchangé. Mais  la Cour d’appel décide  qu’il y a lieu de verser mensuellement aux salariés de l'entreprise la prime de pause et à l'identifier de manière distincte dans les bulletins de salaire.

La Cour de cassation rejette l’argumentation des juges du fond et décide que ce temps de pause rémunéré n’augmente pas le temps de présence et ne se traduit pas par l'octroi d'un supplément de rémunération.

Cass Soc 02 mars 2016, n° 14-25896, FSPB


Epargne Salariale, précision par instruction

Ce texte décrit, sous la forme de « questions – réponses », les modifications introduites en matière d’épargne salariale par la loi du n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Il précise notamment l’harmonisation entre intéressement et participation, détaille le fléchage par défaut de l’intéressement et explicite la minoration du forfait social s’appliquant à l’intéressement, à la participation et au PERCO.

Instruction ministérielle N° DGT/RT3/DSS/DGTRESOR/2016/45


La structure de la rémunération est un avantage individuel acquis

Dans une entreprise, un accord d'établissement  sur l'organisation et la rémunération des services du dimanche prévoit que les conducteurs exécutant un service le dimanche bénéficient d'une prime calculée au prorata du temps travaillé lorsque la durée du travail est inférieure à six heures et d'un montant de 45 euros lorsque le temps de travail est égal ou supérieur à cette durée

Une note interne postérieure précise que pour tenir compte de la demande de nombreux conducteurs à disposer d'une compensation en temps plutôt qu'en rémunération, la direction de la société propose que les dimanches travaillés donnent lieu à l'attribution aux conducteurs d'une prime de 23 euros par dimanche et d'une journée de repos dès lors que deux dimanches par an ont été assurés.

La Cour d’appel décide que cette note est un engagement unilatéral de l’employeur et que ce repos constitue pour les salariés un avantage dont ils doivent bénéficier en plus du montant des primes allouées par l'accord d'établissement.

La Cour de cassation désavoue ce raisonnement et rappelle que l’accord d’entreprise est un accord collectif qui s’impose à l’employeur et qui ne peut être remis en cause par un engagement unilatéral de l’employeur qui n’est donc pas applicable.

Cass Soc 12 février 2016, n° 14.21-129, D


Notification des droits en garde à vue et nécessité d’un interprète

Dans une affaire ayant largement défrayé la chronique il y a un peu plus d’un an, une très riche héritière est assassinée à Nice ainsi que son chauffeur. Soupçonné, le mari de la victime et ancien consul polonais est placé en garde à vue.

Selon les dispositions du 1er alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale, la personne gardée à vue doit immédiatement être informée de ses droits dans une langue qu'elle comprend. En l’espèce, le suspect répond qu’il parle, lit, comprend et écrit le français et qu’il ne désire pas l'assistance d'un interprète.

Après sa garde à vue il allègue pourtant de son mauvais français pour demander la nullité de sa garde à vue arguant qu’il n’a pas été assisté d’un interprète lors de la notification de ses droits, de sorte qu'il aurait renoncé à l'assistance par un avocat et à son droit de se taire en raison d'une mauvaise compréhension de la procédure.

Rejet de la chambre d’instruction confirmée par la Cour de cassation qui relève qu’à plusieurs reprises pendant sa garde à vue ainsi que lors de sa première comparution devant le juge d'instruction, puis devant le juge des libertés et de la détention, le requérant avait fait part de sa connaissance de la langue française. De plus, les explications longues et détaillées fournies lors de ses auditions témoignent  d'une très bonne maîtrise de cette langue.

Cass Crim 9 février 2016, n° 15-84.277, FPB


Modification du contrat de travail et accord express du salarié

Un joueur de football professionnel,  en application de la charte professionnelle de football qui a valeur de convention collective, voit sa rémunération réduite de 20 % après que son club a été relégué en 2ème division. Le joueur ne conteste cette baisse qu’un an plus tard alors que la Charte lui donnait un délai de 8 jours pour le faire. La Cour d’appel le déboute de sa demande en contestation, hors délai selon elle.

Mais la Cour de cassation désavoue les juges du fond et rappelle que la rémunération est un élément essentiel du contrat de travail et que sauf disposition légale contraire, une convention collective ne peut permettre à un employeur de procéder à sa modification sans recueillir l'accord exprès du salarié.

Cass Soc 10 février 2016, n° 14-26.147, FSPB

 


Géolocalisation des salaries et recours à une expertise parle CHSCT

L’article L 4614-12 du code du travail prévoit, en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, la possibilité pour le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de faire appel à un expert. La notion de projet important est définie par la jurisprudence.

En l’espèce, un employeur présente un projet d'installation d'un boîtier électronique dans les véhicules de ses techniciens aux fins d’améliorer la maintenance des véhicules. Considérant cette décision comme un « projet important », le CHSCT décide de recourir à une expertise sur le fondement de l'article L. 4614-12 du code du travail. La société demande pour sa part l’annulation de la délibération.

La Cour de cassation valide la délibération du CHSCT après avoir constaté que si le boitier électronique a pour but de transmettre à l’entreprise  les kilomètres parcourus par ses véhicules sans information de géolocalisation, elle a toutefois constaté que cette fonction de géolocalisation peut être mise en œuvre même à titre exceptionnel ou ponctuel, notamment en cas de vol du véhicule et que de manière générale ce boitier permet de localiser les véhicules à tout moment.

Cass Soc 25 janvier 2016, n° 14-17.227


Santé et sécurité, impossibilité d’une exonération même partielle de l’employeur

La Cour de cassation vient de rappeler que les obligations des salariés en matière  de sécurité et de  santé au travail n'affectent pas le principe de responsabilité de l'employeur. En effet, si l’article L 4122-1 du code du travail dispose qu’il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité au travail, il précise également que ces obligations sont sans incidence sur le principe de la responsabilité de l'employeur.

Dès lors, les juges du fond ne peuvent pas limiter le montant des dommages et intérêts alloués à une salariée  au motif qu’elle a contribué par son attitude à son dommage en acceptant certains risques pour sa santé.

Cass Soc 10 février 2016, n° 14-24.350, PB


Les employeurs peuvent transiger avec l’Urssaf

La loi 2014-1554  permet à l’employeur de transiger avec l’Urssaf mais un décret d’application était nécessaire. Ce dernier vient d’être publié, codifié dans un nouvel article R 243-45-1 du CSS et s’applique depuis le 16 février 2016.

Le décret détermine la procédure selon laquelle le cotisant et l'organisme de recouvrement dont il relève peuvent conclure une transaction ainsi que les modalités d'approbation de cette transaction. La transaction ne peut porter que sur le montant des majorations de retard, les redressements forfaitaires ou l’évaluation d’éléments d’assiette des cotisations.

La transaction conclue concerne une contestation née - si les créances concernées ont fait l'objet d'une contestation dans les délais et n’ont pas fait l'objet d'une décision de justice définitive - ou prévient une contestation à naître.  

La demande écrite et motivée est formulée après réception de la mise en demeure envoyée par l’Urssaf et si l’entreprise est à jour de ses cotisations ou respecte le plan d’apurement de sa dette.

Dès réception de la demande, les délais de recours et de poursuite sont suspendus. Le directeur de l’Urssaf a 30 jours pour répondre (le silence vaudra rejet) et n’a pas à motiver son refus éventuel.  Si la réponse est positive, le directeur de l’URSSAF et le cotisant conviennent d’une proposition de protocole transactionnel conforme à un modèle approuvé par arrêté ministériel (non encore paru au 18 février 2016) puis la mission nationale de contrôle (MNC) doit encore valider la transaction sous 30 jours, son silence valant accord.

Décret 2016-154 du 15.02.2016


CHSCT et demande d’expertise suite à une alerte donnée par le médecin du travail

Aux termes de l’article L 4614-12 du code du travail, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peut faire appel à un expert  lorsqu'un risque grave, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, est constaté dans un établissement.

Un employeur demande l’annulation de la décision du CHSCT de confier une expertise sur la base de cet article aux motifs que lors du rapport annuel remis au CHSCT aucune situation de danger grave et imminent n'avait motivé la mise en œuvre de la procédure de droit d'alerte et de retrait et qu'aucune modification dans l'organisation du travail n'avait été recensée en 2011.

Rejet de la Cour de cassation qui relève d’une part que le médecin du travail avait témoigné courant 2012 avoir rencontré un certain nombre de salariés en grande souffrance au travail, se plaignant de subir des propos sexistes et des humiliations, ce qui l’avait amené à demander la convocation des membres du CHSCT, et d’autre part, les statistiques de l'employeur mettaient en évidence une augmentation des arrêts de travail pour maladie pour les six premiers mois de l'année 2012, ce qui était de nature à caractériser un risque grave, identifié et actuel.

Cass soc, 17 février 2016, n° 14.22-097, FSPB


Action en justice d’un salarié contre son employeur et nullité du licenciement

Un employeur licencie pour faute grave un salarié évoquant notamment comme grief dans la lettre de licenciement que ce dernier a saisi le juge prud'homal d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.

Pour la Cour de cassation, dès lors que l'employeur reproche au salarié dans la lettre de licenciement d'avoir saisi la juridiction prud'homale d'une demande en résiliation de son contrat de travail, ce fait constitue une atteinte à une liberté fondamentale, entraînant à lui seul la nullité du licenciement, peu importe les autres griefs invoqués par l’employeur.

Cass Soc, 3 février 2016, n° 14-18.600, PB


La motivation abstraite des juges du fond est un motif de cassation

La Cour de cassation vient de rappeler que les juges doivent motiver leurs décisions dans des termes suffisamment précis.

En l’espèce, le tribunal des affaires sociales de Bobigny, pour réduire le montant des indemnités journalières devant être restituées par une salariée pour inobservation volontaire de l'obligation de s'abstenir de toute activité non autorisée, motive sa décision par un « compte tenu des circonstances très particulières de la commission de l'infraction, la sanction est disproportionnée par rapport à la faute ».

Cassation de la Cour au visa de l’article 455 du code de procédure civile qui dispose que le jugement doit être motivé. Pour la Cour, la décision relève d’une motivation abstraite sur l'adéquation de la sanction prononcée par la caisse à l'importance de l'infraction commise par l'assurée.

Cass Civ 2, 11 février 2016, n° 15-10309, FPB


Proposition de loi pour reconnaitre le Burn-out

Un groupe de députés a déposé une proposition de loi visant à reconnaitre le syndrome d’épuisement professionnel en tant que maladie professionnelle. A ce jour les pathologies issues du Burn-out sont prises en charge par l’assurance maladie mais non reconnues comme maladie professionnelle. Hors cette reconnaissance permettrait au salarié la prise en charge des soins médicaux et le versement d’une indemnité journalière destinée à compenser la perte de revenu. De plus le contrat de travail serait suspendu et le licenciement ne serait possible qu’en cas de faute grave.

Le texte propose que le taux minimum d’incapacité permanente partielle de 25% exigé pour la reconnaissance d’une maladie professionnelle soit supprimé pour le syndrome d’épuisement professionnel.

Proposition de loi n° 3506 visant à faciliter la reconnaissance du syndrome d’épuisement professionnel en tant que maladie professionnelle


Mandat et intervention volontaire d’un syndicat dans un procès

Selon l’article R.1453-2 du code du travail, les délégués permanents ou non permanents des organisations d'employeurs et de salarié sont habilités à assister ou à représenter les parties devant le conseil des prud’hommes.

En l’espère, la Cour d’appel a déclaré irrecevable l'intervention volontaire d’un syndicat au motif qu’au moment de la saisie du conseil de prud'hommes pour le compte des salariés, il ne disposait d'aucun pouvoir spécial de son organisation syndicale. Cependant le syndicat disposait bien ensuite d’un mandat de représentation devant la cour d'appel.

Cassation de la Cour de cassation qui relève que la cause de l'irrégularité de fond découlant du défaut de pouvoir spécial avait disparu à la date à laquelle la Cour d’appel a statué et cette dernière ne pouvait  donc pas déclarer les demandes irrecevables.

Cass Soc 26 janvier 2016, 14-11.992 14-11.995, FSPB

L'œil sur le droit

Protection du lanceur d’alerte : nullité du licenciement

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Un salarié, directeur administratif et financier d’une association, est licencié en mars 2011 pour faute lourde après avoir dénoncé au procureur de la République les agissements d’un des membres du conseil d’administration et du président de l’association susceptibles de constituer une escroquerie ou un détournement de fonds publics.

La Cour d’appel juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs que le salarié, dont la bonne foi ne pouvait être remise en cause, n’avait commis aucune faute en révélant les faits.

La Cour de cassation rappelle tout d’abord que que le fait pour un salarié de porter à la connaissance du procureur de la République des faits concernant l’entreprise qui lui paraissent anormaux, qu’ils soient au non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute.

Mais surtout et pour la première fois décide qu’ «en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité ».

Il est à noter que la protection des lanceurs d’alertes est actuellement en discussion dans le cadre du projet de loi Sapin II

Cass Soc 30 juin 2016, n° 15-10.557, FS-PBRI

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L'actualité du droit

Publication du décret relatif aux modalités de consultation des institutions représentatives du personnel (IRP)

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Ce texte, entré en vigueur depuis le 1er juillet 2016, concerne les entreprises de 50 salariés et plus.

Il précise les délais dans lesquels les différentes IRP remettent leurs avis, ainsi que les modalités de fonctionnement du CHSCT.

Il énonce également les informations que l’employeur met à la disposition du comité d'entreprise (CE) dans le cadre des trois grande consultations annuelles prévues par la loi Rebsamen du 17 août 2015 sur le dialogue social (consultations qui regroupent les 17 anciennes obligations d’information et de consultation du CE).  Ces trois rendez-vous annuels concernent les orientations stratégiques de l’entreprise, sa situation économique et financière et enfin la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.

Les informations à transmettre au comité d’entreprise diffèrent selon que l’entreprise compte plus ou moins de 300 salariés et pour chacune de ces consultations, le CE peut recourir à un expert payé en tout ou partie par l’employeur.

Décret 2016-868 – JO 30 juin 2016 

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