Focus sur un point de droit ou sur un sujet particulier



Accélérer les procédures devant le Conseil des prud’hommes

Dans le cadre du projet de loi Travail qui vient d’être adopté en première lecture par l’Assemblée nationale suite à l’utilisation par le gouvernement de l’article 49-3 de la Constitution, un article destiné à accélérer les procédures aux prud’hommes et a été intégré au projet.

Le nouvel article 30 prévoit que le bureau de conciliation et d’orientation, les conseillers rapporteurs désignés par le bureau de conciliation et d’orientation ou le bureau de jugement pourront fixer la clôture de l’instruction par ordonnance dont copie est remise aux parties ou à leur conseil. Cette ordonnance constituera une mesure d’administration judiciaire.

Le but de ce texte est de permettre au Conseil des prud’hommes de prononcer la clôture de l’instruction de l’affaire avant l’ouverture des débats lors de l’audience du bureau de jugement. Un décret précisera la possibilité et les modalités d’un rabat (retrait) de la clôture pour cause grave.

Le projet de loi Travail adopté en première lecture


Abus de la liberté d’expression et licenciement pour faute grave

Un salarié est licencié pour faute grave après avoir envoyé un email à sa directrice des relations humaines contestant son mode de rémunération. Selon l’entreprise la tenue de propos diffamatoires et excessifs par le salarié dans ce courriel dépassait son droit d’expression. La Cour d’appel donne raison à l’employeur et requalifie le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause légitime et sérieuse et déboute le salarié de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Décision approuvée par la Cour de cassation qui, après avoir relevé que le salarié avait écrit à la DRH avec copie à son supérieur hiérarchique que le système de rémunération mis en place par la société est « un système de tricheurs », « un système de voleurs » et que la société « mérite mieux que ces pratiques plus que douteuses » décide qu’il a dépassé le cadre de l'expression d'un simple désaccord sur la politique salariale de l'entreprise et commis une faute justifiant son licenciement.

Cass Soc 14 avril 2016, n° 14-29.769, D


Enquête de personnalité et droits de la défense

Les articles 81 et suivants du code de procédure pénale permettent aux enquêteurs, sur décision du juge d’instruction,  de procéder à une enquête de personnalité des personnes mises en examen ainsi que sur leur situation matérielle, familiale ou sociale aux fins d’obtenir des éléments d'appréciation sur leur mode de vie passé et présent.

Cependant, la Chambre criminelle de la Cour de cassation vient de rappeler, au visa de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, que si l'enquêteur désigné par le juge d'instruction pour faire un rapport de personnalité peut, à cette fin, s'entretenir avec la personne mise en examen hors la présence de son avocat et sans que ce dernier ait été appelé, il ne peut en aucun cas lors de cet entretien recueillir des déclarations de l'intéressé sur les faits qui lui sont reprochés.

Cass Crim 12 avril 2016, n° 15-86.298, FPB


Avant-projet de loi sur la réforme de la responsabilité civile et faute lourde

La faute d’un salarié est considérée comme lourde lorsqu'elle est commise dans l'intention de nuire à l'employeur. De plus si cette faute a causé un préjudice à l'employeur, le salarié peut être condamné à le réparer au titre de sa responsabilité civile en versant à l'employeur des dommages-intérêts.

L’avant-projet de loi relatif à la réforme de la responsabilité civile,  qui fait l’objet d’une consultation publique, prévoit un nouvel article 1266 du code civil qui permettrait au juge de condamner l’auteur d’une faute lourde à une amende civile, en plus des dommages et intérêts.

La faute lourde devra avoir généré un gain ou une économie pour son auteur et l’amende ne pourrait pas être supérieure à 2 millions d’euros. Elle serait affectée au financement d’un fonds d’indemnisation ou au Trésor public. 

Il sera intéressant de suivre l’évolution de ce texte pour savoir si, et comment il s’appliquera en droit du travail.

Avant-projet de loi et consultation sur la réforme de la responsabilité civile


Un décret fixe les moyens de contrôle et les sanctions de l’application du droit du travail

Faisant suite à  l'ordonnance n° 2016-413 du 7 avril 2016, un décret, relatif au contrôle de l’application du droit du travail par les inspecteurs du travail détaille les modalités de recours à la transaction pénale et précise la procédure de sanction administrative en cas d'infraction à certaines dispositions du code du travail.

Par ailleurs, le texte précise que les inspecteurs pourront arrêter une activité en cas de danger grave ou imminent ou en cas de situation dangereuse pour les salariés et notamment en cas d’exposition dangereuse des travailleurs à des substances cancérigènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction.

Enfin, des dispositions réglementaires relatives aux instances représentatives du personnel ont été mises à jour.

Ce texte entrera en vigueur le 1er juillet 2016.

Décret 2016-510 du 25 avril 2016 relatif au contrôle de l’application du droit du travail


Prise d’acte et ancienneté du manquement invoqué

Une salariée prend acte de la rupture de son contrat de travail  en septembre 2012, reprochant à son employeur d'avoir modifié unilatéralement les conditions de travail en la faisant passer à temps partiel sans son accord en juillet… 1991.

Sans surprise, et après avoir rappelé que la prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, la Cour de cassation décide que le manquement invoqué par la salariée est très ancien (20 ans) et n'a donc pas empêché la poursuite du contrat de travail.  

Cass Soc 13.04.2016 n° 15.13-447


Paiement de l’astreinte par la mise à disposition gratuite d’un logement

L’astreinte est considérée comme un temps de travail effectif et doit être compensée sous forme pécuniaire ou de repos.  

Selon la Cour de cassation, si la mise à disposition gratuite d’un logement peut constituer un mode de rémunération en contrepartie de l’astreinte à laquelle est tenu un salarié, encore faut-il que le contrat de travail ou la convention collective prévoit expressément ce mode de compensation.

Cass Soc 13 avril 2016, n° 14-23.306 D


Filature d’un salarié et mode de preuve illicite

La 2ème chambre civile de la Cour de cassation vient de rappeler qu’est illicite le moyen de preuve fondé en partie sur une enquête confiée par l'employeur à un détective privé qui a procédé à la filature d’un salarié sans que ce dernier n’en soit informé.

Cette filature, quand bien même elle aurait été réalisée sur sept jours dont six au cours desquels le salarié avait un planning d'activité précis à réaliser pour le compte de son employeur et serait intervenue sur une période limitée en vue d'opérer des constatations uniquement sur la voie publique, constitue une atteinte à sa vie privée en violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Cass civ 2e 17 mars 2016, n° 15-11.412, FPB


Manquements de l’employeur : il y a lieu d’établir la réalité du préjudice du salarié

Dans une décision destinée à être publiée au rapport annuel, la chambre sociale de la cour de cassation revient sur sa jurisprudence admettant que certains manquements de l’employeur causent nécessairement préjudice au salarié.

En l’espèce, un salarié demande le versement de dommages et intérêts pour remise tardive de justificatifs par l’employeur, spécialement le certificat de travail et les bulletins de paye. Pour le débouter de sa demande, les juges du fond relèvent qu’il ne rapporte aucun élément sur le préjudice qu'il aurait subi.

Confirmation par la Cour de cassation qui, par un attendu de principe,  décide que l'existence d'un préjudice et l'évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d'appréciation des juges du fond et que c’est au salarié d’établir le préjudice allégué. 

Cass Soc, 13 avril 2016, n° 14-28.293, FS-P+B+R


L’impossible minoration de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence

Une salariée est engagée en qualité de responsable développement et son contrat de travail comporte une clause de non-concurrence prévoyant une indemnité égale à la moitié de son traitement mensuel en cas de licenciement et au tiers de ce traitement en cas de rupture par la salariée.  Cette différence de traitement est issue de l'article 32 de la convention collective applicable à la relation de travail. Lors de sa démission, la salariée réclame le versement d’une indemnité non minorée.

La Cour de cassation lui donne raison et pour condamner l’employeur à verser le solde de l’indemnité décide que si la convention collective auquel se conformait le contrat de travail prévoyait une minoration de la contrepartie financière de l'obligation de non-concurrence en cas de rupture de ce contrat par le salarié, cette disposition, contraire au principe de libre exercice d'une activité professionnelle doit  être réputée non écrite.

Cass Soc, 14 avril 2016, n° 14-29679, FSPB


Décret relatif aux réunions par visio-conférences des représentants du personnel

L’article 17 de la loi Rebsamen du 17 août 2015 autorise le recours à la visio-conférence pour les réunions de la plupart des institutions représentatives du personnel. Ce recours est autorisé par accord entre l’employeur et les représentants du personnel et à défaut d’accord, il est limité à 3 réunions par an.

Le décret d’application vient de paraitre. Il détermine les conditions dans lesquelles ces institutions représentatives du personnel sont réunies en visioconférence. Ces dispositions s'appliquent au comité d'entreprise, au comité d'établissement, au comité central d'entreprise, au comité de groupe, au comité d'entreprise européen, au comité de la société européenne, au CHSCT, à l'instance de coordination des CHSCT et aux institutions réunies en commun.

Par ailleurs, le décret fixe également les modalités de consignation des délibérations du comité d'entreprise dans le procès-verbal établi par le secrétaire et le délai de transmission de ce procès-verbal à l'employeur. Il précise enfin les conditions de recours à l'enregistrement et à la sténographie des séances du comité.

Décret 2016-453 du 12 avril 2016


Contenu de la lettre de convocation à un entretien préalable au licenciement

Un salarié, licencié pour faute grave, reproche à son employeur de ne pas avoir porté sur la convocation à l'entretien préalable la liste des griefs retenus à son encontre ce qui aurait mis à mal ses droits de défense.

Rejet par la cour de cassation qui décide que l'énonciation de l'objet de l'entretien dans la lettre de convocation adressée au salarié au cours duquel le salarié a la faculté d'être assisté  pour  se défendre contre les griefs formulés par son employeur, satisfait à l'exigence de loyauté et de respect des droits du salarié. 

Cass Soc 6 avril 2016, n° 14-23.198, FSPB


Relation amoureuse au travail et violation de la vie privée

Une salariée est licenciée pour faute grave après avoir révélé par mail à sa direction une liaison qu’elle a entretenue quatre ans auparavant avec un  cadre de la même entreprise, nommément désigné dans son courrier, auquel elle a joint trois correspondances amoureuses rédigées par ce dernier. Elle saisit le Conseil de prud'hommes pour  licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour d’appel de Paris la déboute de sa demande aux motifs qu’en ne se contentant pas de révéler la liaison qu'elle avait eue avec un des cadres de l’entreprise, liaison qui n’était pas de notoriété publique contrairement à ce que soutenait la salariée, mais en communiquant en outre des lettres d'amour de cette personne, elle a délibérément violé l'intimité de sa vie privé, laquelle implique en particulier le secret des correspondances au respect duquel tout salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, tant de la part de son employeur que de ses collègues, par application des articles 9 du code civil et L.1121-1 du code du travail.

Par ailleurs, les juges du fond soulignent que la salariée n'établit ni même n'allègue aucun fait qui pourrait s'apparenter à un quelconque harcèlement ou même simplement à des pressions de la part de son ancien amant et qui aurait dégradé son environnement professionnel comme elle le soutient, d’autant que la relation était terminée depuis 4 ans.

Dès lors, la Cour considère  que le licenciement pour faute grave était justifié.

CA Paris 3 Mars 2016 – n° 15/09858


Délai de contestation d’une expertise décidée par le CHSCT

Selon les articles L 4613-13 et R 4614-19 et suivants du code du travail, l'employeur qui veut contester la nécessité d'une expertise fondée sur l'existence d'un risque grave doit saisir la juridiction dans un délai raisonnable après l'adoption de la délibération adoptée par le CHSCT. 

En l’espèce, une société saisit le juge judiciaire 3 mois après la délibération du CHSCT décidant une expertise. La Cour d’appel décide que ce délai ne constitue pas un délai raisonnable. Cassation des juges du droit qui considèrent que l'action de l'employeur en contestation de l'expertise décidée par le CHSCT est soumise, en l'absence de texte spécifique, au délai de prescription de droit commun de l'article 2224 du code civil, soit 5 ans.

Cass Soc 17 février 2016, n° 14-15.178, PB


La version 2 du projet de loi Travail présentée en Conseil des ministres

L’exécutif a revu de nombreuses dispositions de son projet de loi.  On peut à ce titre particulièrement souligner la suppression du barème obligatoire dans le cas d’une indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse,  remplacé par un référentiel indicatif qui sera publié sous forme de décret.

Concernant les licenciements économiques, autre mesure phare du texte, si le gouvernement a maintenu les dispositions de la première version du texte concernant l’appréciation du motif économique au niveau national, des garanties ont été inscrites dans le texte pour prévenir des comportement de « fraudes » et « d’optimisation » qui pourraient être mis en place par les grands groupes. Ainsi,  le gouvernement a fait ajouter au texte que « ne peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement pour motif économique les difficultés créées artificiellement à la seule fin de procéder à des suppressions d’emplois ». 

Par ailleurs, la durée légale des 35 heures ne sera pas modifiée et la durée maximale sera de 48 heures par semaine mais une convention ou accord d’entreprise pourra mettre en place une durée hebdomadaire de plus de 44 heures calculée sur une période de 12 semaines et non plus 16 semaines.

A noter également, que toutes les mesures relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés devront faire l’objet d’un accord majoritaire.

Enfin, les principes essentiels du droit du travail qui avaient été élaborés par la mission Badinter ne figureront finalement pas en préambule du code du travail.

Le texte a été déposé à l’Assemblée nationale et devrait être voté d’ici cet été

Projet de loi Travail nouvelle version

Dossier législatif

L'œil sur le droit

Protection du lanceur d’alerte : nullité du licenciement

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Un salarié, directeur administratif et financier d’une association, est licencié en mars 2011 pour faute lourde après avoir dénoncé au procureur de la République les agissements d’un des membres du conseil d’administration et du président de l’association susceptibles de constituer une escroquerie ou un détournement de fonds publics.

La Cour d’appel juge le licenciement sans cause réelle et sérieuse aux motifs que le salarié, dont la bonne foi ne pouvait être remise en cause, n’avait commis aucune faute en révélant les faits.

La Cour de cassation rappelle tout d’abord que que le fait pour un salarié de porter à la connaissance du procureur de la République des faits concernant l’entreprise qui lui paraissent anormaux, qu’ils soient au non susceptibles de qualification pénale, ne constitue pas en soi une faute.

Mais surtout et pour la première fois décide qu’ «en raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales, est atteint de nullité ».

Il est à noter que la protection des lanceurs d’alertes est actuellement en discussion dans le cadre du projet de loi Sapin II

Cass Soc 30 juin 2016, n° 15-10.557, FS-PBRI

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L'actualité du droit

Publication du décret relatif aux modalités de consultation des institutions représentatives du personnel (IRP)

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Ce texte, entré en vigueur depuis le 1er juillet 2016, concerne les entreprises de 50 salariés et plus.

Il précise les délais dans lesquels les différentes IRP remettent leurs avis, ainsi que les modalités de fonctionnement du CHSCT.

Il énonce également les informations que l’employeur met à la disposition du comité d'entreprise (CE) dans le cadre des trois grande consultations annuelles prévues par la loi Rebsamen du 17 août 2015 sur le dialogue social (consultations qui regroupent les 17 anciennes obligations d’information et de consultation du CE).  Ces trois rendez-vous annuels concernent les orientations stratégiques de l’entreprise, sa situation économique et financière et enfin la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi.

Les informations à transmettre au comité d’entreprise diffèrent selon que l’entreprise compte plus ou moins de 300 salariés et pour chacune de ces consultations, le CE peut recourir à un expert payé en tout ou partie par l’employeur.

Décret 2016-868 – JO 30 juin 2016 

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